Cela ne signifie rien en particulier. Eric et moi nous nous considérons d’abord comme des êtres humains, des citoyens, des personnes engagées dans la société avant de nous considérer comme gay. En Europe, et en particulier dans des pays comme la Belgique, il n’y a pas ou peu de stigmatisation vis à vis de l’orientation sexuelle, du coup, on est libre d’être ce que l’on est. Nous ne ressentons plus le fait d’être français en Belgique que d’être gay parmi les hétéros ! En revanche, nous avons bien conscience que cela n’a pas été toujours le cas. Du coup, si être gay devait signifier quelque chose, ce serait à travers les combats qu’il a fallu mener pour dépénaliser l’homosexualité et acquérir l’égalité ! Ce combat n’est pas gagné, on l’a bien vu avec les manifestations contre le mariage gay en France. On le voit dans certains pays où les gays sont pourchassés et parfois mis à mort. Nous avons conscience du chemin qu’il a fallu parcourir et nous avons également conscience de l’effort quotidien qu’il faut pour maintenir nos droits.
À quels challenges as-tu dû faire face en tant que gay ?
Les challenges sont surtout présents et paraissent difficiles à surmonter quand on est jeune et quand on découvre son homosexualité. Il y a toujours le sentiment d’être différent d’où nait un sentiment de honte et d’incompréhension. Il faut savoir s’accepter comme l’on est pour aller de l’avant. Mais, avec l’expérience et l’âge, qu’on soit gay, gros, moche, trop grand, trop petit, roux, frisés ou que sais-je, on doit s’accepter comme on est. C’est un chemin difficile et parfois long… parfois plus long quand on est gay ; tout dépend du milieu dans lequel on grandit.
Personnellement, j’ai mis longtemps à “vivre” mon homosexualité car le me sentais coupable vis à vis de mes parents et de mes proches. J’ai parfois entendu des remarques homophobes à la maison… ça ne m’incitait pas faire mon coming-out. Puis, avec le temps, on relativise et on prend de l’assurance. Plus récemment, le plus gros challenge en tant que gay a été d’être papa… C’est un parcours difficile et long. Non pas sur le plan matériel, mais sur le plan de la vie et de la relation avec son partenaire. Nous avons beaucoup discuté avec Eric sur nos envies, nos désirs, notre futur, notre conception commune de la famille, etc… Puis finalement, avec le recul, ces challenges là, ce n’est que la Vie !
Quelle est l’histoire de ton coming-out ?
Mon coming-out a eu lieux en plusieurs étapes…. Tout d’abord, quand j’ai commencé à vivre sur Paris, je me suis rapidement fait des amis gays et j’ai commencé à aller dans des bars et fréquenter les quartiers gays. Socialement, j’étais de plus en plus ouvert et cela me convenait parfaitement. Puis, tout naturellement, je ne me suis plus caché vis à vis des collègues de bureaux, mes amis d’enfances, etc… Le problème c’était ma famille ! J’ai commencé à le dire à mon frère lors d’une discussion anodine. Ce n’était pas planifié, mais c’est sortie tout seul. S’en est suivie de longues années où j’ai beaucoup voyagé, déménagé, vécu des histoires de couples. J’étais parfaitement bien dans mes basquets partout et avec tout le monde, sauf avec mes parents. La situation était ridicule et surtout intenable. À un moment, c’était tellement absurde que j’ai pris mon courage à deux mains, je n’avais plus rien à perdre, et j’ai tout dis à mes parents. Finalement, tout c’est très bien passé. Nous en avons discuté plusieurs fois ensemble et maintenant, ça me parait idiot d’avoir attendu tout ce temps.
À quoi ressemble la communauté gay à Brussels à tes yeux ?
Nous ne fréquentons plus trop les lieux gays. De temps à autre on sort… mais beaucoup moins qu’avant. Du coup, nous sommes assez mal placés pour décrire parfaitement la communauté ! D’une manière générale, la communauté est paisible et surtout très diverse et bien intégrée. Il y a d’un côté les bruxellois qui sont nés ou installés sur Bruxelles depuis des années, il y a les étudiants ou les jeunes professionnels, toute la communauté des expatriés, des diplomates et fonctionnaires européens, etc. C’est une sorte de melting-pot. Parfois cela se mélange et parfois moins. Bruxelles est une ville très cosmopolite. Nous pensons que la communauté est à son image. Cependant, les gens sont en général ouverts, sympathiques et faciles d’accès. Les associations présentes ici semblent actives et font un excellent travail dans tous les domaines.
Quel conseil donneriez-vous à votre double plus jeune?
N’est pas peur et profite de ta jeunesse !
Comment le fait d’être devenu père a changé ta vie?
Personnellement, ça change beaucoup, beaucoup de choses. La paternité amène tellement de bonheur mais bouleverse totalement le rythme de vie. J’ai pris beaucoup de recul au niveau du travail (pour le bébé, mais pas que ça) et j’ai décidé de prendre plus de temps libre pour m’occuper du petit. Ensuite il faut gérer le rythme de vie, le sommeil et toutes les tâches domestiques. Enfin, l’arrivée d’un bébé bouleverse la vie de couple. Même si nous en avions beaucoup parlé avec Eric, vivre l’arrivée d’un bébé est tout autre chose ! Mais finalement, en discutant avec d’autres parents… c’est exactement pareil partout ! Côté social, nos amis sont tous très heureux pour nous, même si c’est un peu plus difficile d’organiser un apéro en fin de soirée…”
In English:
“(Being gay) does not mean anything in particular. Eric and I consider ourselves first as human beings, citizens, people involved in society, before we consider ourselves as gay. In Europe, and particularly in countries like Belgium, there is little or no stigma against sexual orientation, it is free to be what it is. We feel more being French in Belgium than being gay in a straight world! However, we are aware of the fact that this was not always the case. Consequently, whether being gay meant something, this would be through the battles that were needed in order to decriminalise homosexuality and acquire equality! This fight is not over, we just have to look at what happened with the protests against gay marriage in France. We see in certain countries where gay men and lesbians are murdered and tortured. We are aware of what had to be done and we are also aware of the daily effort to keep our rights.
The challenges are particularly present and seem difficult to overcome when you are young and you discover your own homosexuality. There is always a sense of being different from which accrues feelings of shame and incomprehension. Whether it should be accepted as it is to go ahead. But, with experience and age, being gay, large, ugly, too small or too large, red haired, curly haired or whatever, is we must accept things as there are. It is a long and sometimes difficult road… sometimes longer when being gay; Everything depends on the environment in which you come from.
It took me a while to happily “live” my homosexuality as I felt guilty towards myself, my parents and my relatives. I have sometimes heard homophobic remarks at home… that did not help me with my coming-out. Then, with time, we become more self-confident and see the world in a different angle. More recently, the biggest challenge was to become a dad… This is such a long and complex process. Not in practical terms but in terms of living style, having a stable relationship with the right partner. We have discussed a lot with Eric on our common wishes, desires, our future, our common understanding of the family, etc. And finally, with hindsight, these challenges are only those that everyone faces in real life!
My coming-out took place in several stages…. Firstly, when I started to live in Paris, I quickly made gay friends and I started to go out in bars and be part of the community. Socially, I was increasingly open and I was perfectly fine with that. Then, naturally, I became less and less hidden vis-à-vis my colleagues at work, old friends, etc. The problem was my family! I started to speak to my brother during a usual lunch we used to have every Saturday. This was not planned, but it went on the table naturally. Then came many years where I have travelled a lot, moved, lived love-and-failed stories… I was perfectly balanced in my daily gay life, everywhere and with everyone, except with my parents. The situation was ridiculous and particularly untenable. At a time it was so absurd that I took my courage in both hands, I had nothing left to lose, I told my parents. Finally, it went very smoothly. We discussed it several times and now it seems stupid to me for having waited for all of that time.
We no longer go into the gay community, bars and districts. From time to time we are going out, mostly with friends… but much less than before. Consequently, we are fairly badly placed to describe fully the local community! In general, the community, here in Brussels, is peaceful and, above all, very diverse and well integrated. You can see, on one hand, people who were born or raised in Brussels, being there for years, then you have students or young professionals, the whole expat community, diplomats and officials from the European Institutions, etc. It is a kind of melting-pot. Sometimes, it is mixed and sometimes not. Brussels is a very cosmopolitan city. We think that the community is as its image. However, people are in general open, friendly and easily accessible. The associations represented here seem active and are doing an excellent job in all domains.
(Advice to my younger self) Don’t be afraid, live and enjoy your youth!
Personally speaking, (being a father) changes dramatically your life. Paternity brings so much happiness but completely disrupt the rhythm of life. I took a step down at working level because of the baby, in order to be more present and take more care of him and of myself. Then you need to manage the pace of your daily life, have some sleep and do all your domestic work. Finally, the arrival of a baby also overturns the couple’s living balance. Even though I lengthily talked about that with Eric, the arrival of a baby is anything else you previously have imagined! However, discussing with other parents… it is exactly as such everywhere! Our friends are all very glad for us, even if it is slightly more difficult to organise a dinner party or to go out for drinks in late evening…
Eric, in his own words: “À quels challenges as-tu dû faire face en tant que gay ?
Je dois avouer que je me considère comme un privilégié quant à mon homosexualité et ce qu’elle a pu impliquer dans ma vie jusqu’à présent. Je n’ai jamais ou quasi jamais été confronté à l’homophobie jusqu’à ces dernières années, ma famille et mes parents plus particulièrement sont des gens ouverts sur le monde et qui ont accepté mon homosexualité avant même que je fasse mon coming-out, je vis dans des pays où, comme le disait très justement Jérémie, les choses sont plutôt simples à ce niveau… Donc je n’ai pas eu de gros challenges. Évidemment, j’ai eu une période vers les 20 ans où j’ai dû admettre, après quelques échecs avec les filles, que j’étais homo, et ce cheminement m’a pris environ 2 ans. Le seul gros challenge a été, vers l’arrivée de ma trentaine, de me dire « tu es pédé, donc tu ne seras pas papa parce que les pédés ça fait pas des enfants ». Ça a été très long et douloureux pour moi d’admettre ça… pour finalement me rendre compte, suite à ma rencontre avec Jérémie, que je n’avais pas abandonné et que les choses sont parfaitement possibles. Et aujourd’hui, nous sommes papas et c’est génial.
Quelle est l’histoire de ton coming-out ?
Il a été long même si ma famille ne me posait pas de questions et que je me doutais bien que ma mère avait compris. Mais comme dit avant, admettre au grand jour mon homosexualité, c’était aussi envoyer à mes parents le message « vous ne serez pas grands-parents ». Alors pendant plusieurs années j’ai vécu cette double vie. Pendant 2 ans même j’ai vécu avec un mec et quand mes parents venaient me rendre visite, il devait sortir, cacher ses affaires. Lorsque nous avons rompu, je me suis dit que je ne pouvais plus continuer ainsi car c’était cruel autant pour moi que pour les autres. J’ai donc décidé de le dire à ma mère que j’ai invité à déjeuner. Je n’ai pas eu besoin de finir ma phrase qu’elle me disait déjà qu’elle savait depuis que j’étais petit et que, si au début c’était dur, aujourd’hui elle était parfaitement en harmonie avec cela et qu’elle était soulagée que je le lui dise enfin! Elle m’a poussé ensuite à le dire à mon père et un dimanche, au repas de famille, elle m’a balancé tout tranquillement « au fait, je l’ai dit à ton père puisque tu n’arrivais pas à te lancer ». J’ai failli tomber de ma chaise. Je suis donc allé voir mon père et avant que je dise quelque chose, il m’a pris dans ses bras. Et voilà, mon coming-out était fait.
Quel conseil donneriez-vous à votre double plus jeune?
Tu es ce que tu es, alors sois fier et avance!
Comment le fait d’être devenu père a changé ta vie?
Disons que c’est comme une explosion nucléaire dans ta vie. Tu as beau être préparé à ça, c’est incroyable le bouleversement que ça produit aussi bien dans ton quotidien, ton rythme de vie, que dans ce que tu peux ressentir intérieurement. J’ai le sentiment que toutes mes émotions sont décuplées, les joies comme les stresses ou les difficultés. Être père est le plus grand bonheur de ma vie, un bonheur qui se renouvelle dans chaque sourire de notre fils. Ça donne aussi un sens nouveau à la vie, une nouvelle façon de voir l’avenir mais aussi de relire le passé. J’ai l’impression que tout prend son sens finalement, que le passé prend un sens. Et si ça rend le futur plus flou parfois je trouve, ça le rend aussi plus optimiste, plein de vie, d’espoir, d’envies et de motivation. Devenir père m’a rendu encore plus humain au sens de « je fais partie de la communauté humaine avant de faire partie de la communauté gay ». Je suis fier d’être gay, mais je suis encore plus fier d’être papa et (futur) mari de Jérémie.”
In English:
“I must confess that I consider myself privileged with regard to my homosexuality and what it could have meant in my life so far. I have never or almost never been confronted with homophobia until recent years, my family and my parents in particular are open to the world and have accepted my homosexuality even before I made my coming-out. I lived in countries where, as Jeremie said previously, it’s fairly straightforward at this level… so I did not have major challenges. Of course, I had a period around my 20’s where I had to admit, after a few failures with girls, that I was gay, and this process took me about 2 years. The only major challenge has been the arrival of my 30’s, when I said to myself “you’re a fag, therefore you will never become dad because gays don’t have children!”. It was very long and painful for me to accept that… ultimately I realized, thanks to my relationship with Jeremie, that I had not abandoned this idea of being a father and that things are perfectly possible nowadays. And today we dads and that’s just great.
(Coming out) had been long, even though my family did not raise this issues and despite the fact I was thinking that my mother had understood. However, as said before by Jeremie, accepting yourself as gay was just to send a negative message to my parents: “you will never be grandparents!”. Then, I lived for several years this double life. For 2 years I lived with a guy and when my parents came to visit me, he had to leave, and get rid of his stuff and hide it. When we broke-up, I said to myself that I could no longer continue to live in such a way because it was as cruel for me than for my friends. I had therefore decided to speak to my mother and I had invited her for lunch. I did not need to finish my sentence, she told me that she was aware since I was little and, of course it was hard for her at the beginning, but now she was perfectly in harmony with it and she was relieved that I have finally come out! This encouraged me to speak to my father and on a Sunday family lunch, my mother just said ‘Oh, by the way, I told your father since you were not able to do so!” I was just close to fall out of my chair. Later on, I discussed with my father and before I was able to say something, he took me into his arms. And here was my coming-out.
(Advice to my younger self) You are what you are, then be proud and go ahead!
Let’s say that (being a father) is as a nuclear explosion in your life. You may be prepared for this, it is an incredible change in both your lives and what you can feel deeply. I feel that my emotions are increased tenfold, it is the same with my joys, my stresses or with my own difficulties. Being a father is the greatest happiness of my life, happiness to be boosted in each smile of our son. It also gives a new meaning to life, a new way to see the future but also to refer back to the past. I have the feeling that all happened to me, finally, makes a new sense. And when it makes the future more blurred sometimes I find it makes it also more optimistic, full of life, hope, desires and motivation. Becoming a father has made me even more human at the meaning of ‘I am part of the human community before being part of the gay community’. I am proud to be gay, but I am even more proud to be daddy and (future) husband of Jérémie.”